dimanche 8 septembre 2019

Livres lus (et recommandés)


Ça fait déjà trois mois que je n'ai pas fait part ici de mes récentes lectures. Voici donc quelques-unes de mes découvertes.

"Farallon Islands" d'Abby Geni. C'est le premier roman de cette jeune biologiste américaine et c'est une grande réussite. L'héroïne, Miranda, est une photographe free-lance qui a obtenu le privilège de séjourner pendant plusieurs mois dans les îles Farallon, un groupe de rochers inhospitaliers (photo), au large de San Francisco. Les seuls occupants de l'île, six scientifiques (ornithologues, géologues, botanistes, ichtyologues...), sont présents sur l'île principale parfois depuis plusieurs années. Dans ce huis-clos sauvage, les passions et les secrets enfouis vont s'exacerber.

"Fonny" de Lieve Joris. J'ai lu tous les livres de Lieve Joris, écrivaine-voyageuse infatigable, curieuse, toujours en éveil, qui a parcouru longuement le Congo, le Mali, la Syrie, la Chine, ... Ici, elle livre l'intimité poignante de sa famille, des Limbourgeois flamands. Tout tourne autour d'un des frères, Alfons, dit Fonny, extravagant, passionné, perturbé, toxicomane, créatif, tourbillonnant, qui finira par mourir d'une overdose. C'est toute la famille qui est entraînée dans cette passion triste et ravageuse.

"Sur les ailes du dragon", également de Lieve Joris. Un parcours décoiffant entre l'Afrique, le Moyen-Orient et la Chine, à l'heure de la mondialisation. On ne le sait pas encore assez, mais les relations commerciales entre l'Afrique - y compris les pays les plus pauvres et les plus problématiques comme le Congo - et la Chine, sont en pleine expansion. Lieve Joris accompagne de nombreux acteurs de cette mondialisation, aussi bien Chinois qu'Africains. 

"La mort du Khazar rouge" de Shlomo Sand. L'auteur, historien israélien, ancien professeur à l'Université de Tel-Aviv, est connu pour ses thèses révolutionnaires sur les origines du peuple juif. Il a voulu démontrer que les Juifs ne constituent pas un peuple au sens ethnique du terme, qui serait issu d'une grande expulsion depuis la terre originelle, dans l'Antiquité romaine, mais un ensemble de communautés religieuses, provenant de conversions à diverses époques. Ici, Shlomo Sand choisit pour la première fois la forme romanesque pour illustrer ses thèses. Des universitaires iconoclastes, qui se distancient des thèses officielles affirmant la présence millénaire des Juifs en Palestine, sont assassinés à des décennies d'écart. 

"L'axe du loup" de Sylvain Tesson. L'écrivain-voyageur, dont j'avais beaucoup aimé "Les chemins noirs" et "Dans les forêts de Sibérie", nous relate ici le périple incroyable qu'il a effectué entre la Yakoutie, au coeur de la Sibérie orientale, et l'Inde. Il a marché, chevauché, roulé à vélo aussi, le long du Lac Baïkal, à travers la Mongolie et le désert de Gobi, les hauts plateaux du Tibet et l'Himalaya, dans le but de refaire le périple décrit par le Polonais Slawomir Rawicz dans "A marche forcée" ;  il aurait fui le goulag stalinien en 1941 avec quelques compagnons et atteint l'Inde britannique après plusieurs mois d'une marche harassante. Bien que le récit de Rawicz soit aujourd'hui remis en question, Sylvain Tesson a voulu éprouver lui-même l'âpreté du parcours.

"La solitude des nombres premiers" de Paolo Giordano. Les deux principaux personnages, Mattia et Alice, ont été marqués par un drame dans leur enfance : le premier a provoqué involontairement la disparition de sa soeur jumelle autiste, la seconde a eu la jambe fracturée lors d'un grave accident de ski, et est boiteuse depuis lors. Meurtris tous les deux, ils se sont rapprochés et ont construit un lien puissant. C'est très fort, très beau. Le livre a été adapté au cinéma, assez brillamment, mais la mise en scène trop confuse et complexe m'a déçu.

"Aux cinq rues, Lima" de Mario Vargas Llosa. Décidément, après avoir lu quelques romans de ce grand écrivain péruvien, je vais continuer à découvrir son oeuvre. Dans ce roman-ci, nous plongeons dans le climat délétère, fait de violence et de corruption, de la présidence d'Alberto Fujimori. Vargas Llosa règle ici ses comptes avec Fujimori, personnage trouble et autoritaire, dont il avait été l'adversaire à l'élection présidentielle de 1990.

"La fête au bouc", également de Mario Vargas Llosa. Un chef d'oeuvre ! Nous sommes ici en République Dominicaine, au début des années 60 et dans les années 90. Si certains des principaux personnages sont fictionnels, le reste du livre est un exceptionnel document sur la dictature ubuesque de Rafael Trujillo, tyran corrompu et omnipotent qui régna sans partage sur le pays de 1930 jusqu'à son assassinat en 1961.

"Les bienveillantes" de Jonathan Littell, enfin. Je n'avais jamais lu ce pavé de 900 pages, qui a défrayé la chronique lors de sa parution. On est ici dans la tête d'un officier SS cultivé, national-socialiste convaincu mais assailli de doutes, homosexuel caché, marqué par les relations incestueuses qu'il avait eu, jeune, avec sa soeur jumelle. Il parcourt l'Europe, accomplit ses tâches, organise, gère, contrôle, au coeur de la Solution finale. Vertigineux mais souvent trouble, malsain, certes. Mais on comprend aussi la logique, la vision du monde qui l'animent. Comprendre n'est évidemment pas justifier ou excuser, mais ce roman extrêmement bien documenté vaut la peine d'être découvert.

2 commentaires:

  1. Lieve Joris, j'aime beaucoup. Mes préférés: "L'heure des rebelles" et "Ma cabine téléphonique africaine". Le "Dragon" est quant à lui prophétique. Cependant je ne me suis pas précipitée sur "Fonny" parce qu'elle délaisse la littérature de voyage et que les récits de malheurs familiaux, ça m'exaspère souvent.

    Le livre de Tesson est bien en effet mais il ne faut pas négliger celui de Rawicz ou ceux d'Ossendowski ou encore de Josef Martin Bauer: "Aussi loin que mes pas me portent". C'est probablement mieux encore.

    L'histoire des Khazars, je connais assez bien. Il faut savoir qu'en persan et en russe, la mer Caspienne est désignée comme la mer des Khazars. Ça fait référence à cette peuplade turque qui, il y a plus de 1 000 ans, se serait établie au bord de la Caspienne et se serait convertie au judaïsme. Ça aurait été le premier État juif mais cette peuplade aurait ensuite mystérieusement disparu donnant lieu à de multiples spéculations (cf Arthur Koestler : "La treizième tribu"). Une histoire qui fait rêver.

    "Les bienveillantes" restera sans doute dans l'histoire de la littérature mondiale. Maintenant que vous êtes entrainé aux pavés, je vous conseille celui de Chris Kraus: "La fabrique des salauds". Il vient de sortir et il est le prolongement de Littell (principalement dans les Pays Baltes).

    Enfin, je ne connais pas Vargas LLosa mais vous m'avez donné envie.

    Bien à vous,

    Carmilla

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  2. J'avais lu, il y a quelques années, le livre de Slawomir Rawicz. Au-delà de la crédibilité de son récit et de son aventure, j'avais beaucoup aimé ce livre.

    Je note vos autres références.

    Les pavés qui se déroulent à l'époque nazie, je fais un pause pour le moment...

    Je ne peux que vous conseiller la lecture des livres de Shlomo Sand, "Comment le peuple juif fut inventé", "Comment la terre d'Israël fut inventée" et "Comment j'ai cessé d'être juif". Vivifiant et porteur d'interrogations parfois vertigineuses.

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